L’expression « identité nationale », dont l’utilisation est devenue assez courante à partir des années 1980, a connu une certaine vogue en France dans la première décennie du XXIe siècle. Elle a été et reste la source de nombreuses controverses, témoignant à la fois du flou de sa définition et de son usage souvent équivoque, qui en font, selon la formule de deux sociologues britanniques, « un des concepts les plus discutés mais les moins compris de la fin du XXe siècle ».
Cette terminologie est notamment citée dans un traité de l’Union européenne :
« L’Union (européenne) respecte l’égalité des États membres devant les traités ainsi que leur identité nationale, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l’autonomie locale et régionale. Elle respecte les fonctions essentielles de l’État, notamment celles qui ont pour objet d’assurer son intégrité territoriale, de maintenir l’ordre public et de sauvegarder la sécurité nationale. En particulier, la sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque État membre. »
La nation, concept protéiforme
Bien que dès 1907 le social-démocrate autrichien Otto Bauer, dans La Question des nationalités et la social-démocratie, ait insisté sur la nécessité de définir scientifiquement l’essence de la nation, le discours des sciences humaines et sociales montre qu’aujourd’hui cette question n’a toujours pas été définitivement réglée. En effet, même si le concept de nation, parfois employé concurremment avec celui de peuple, évoque toujours l’existence d’une communauté homogène d’individus, il ne fait actuellement pas l’objet d’une définition unique et est entendu de manière différente selon les plans sur lesquels on se place pour en choisir les éléments fédérateurs. En français, pour les peuples qui disposent d’un État, il y a souvent une double définition des mots « nation » ou « peuple »
La nation délimitée par l’État
La nation peut être définie d’une manière assez simple à partir d’éléments purement juridiques. Elle se présente alors comme la communauté des habitants d’un territoire soumis à l’autorité d’un pouvoir souverain organisé sous la forme d’un appareil d’État qui leur reconnait la citoyenneté, ou encore la nationalité politique. Selon la constitution de chaque État, le droit du sol et le droit international, l’identifiant (« ethnonyme ») d’une nation désigne les citoyens de ce territoire et eux seuls, quelles que soient leurs langues et traditions culturelles : par exemple, aux points de passage frontaliers, nul ne demande à un Français s’il est d’origine alsacienne, antillaise, auvergnate, basque, berrichonne, bretonne, bourguignonne, corse, kabyle, occitane, picarde, réunionnaise ou tahitienne, ni quelles sont ses éventuelles croyances religieuses5. Cette conception assimilant la nation aux ressortissants d’un État est consacrée par le droit public et trouve notamment une confirmation officielle dans les appellations de Société des Nations, puis d’Organisation des Nations unies, retenues après les Première et Seconde Guerres mondiales pour rassembler les États dans des institutions internationales à vocation mondiale.